Rencontre avec le Tarot, le jeu, le Mat

Le tarot dit de Marseille semble avoir une origine lombarde et serait daté du xv siècle, mais le jeu de cartes traditionnel lui est certainement antérieur de plus d’un siècle. Si l’on en croit Wikipédia :

Bien des thèmes se retrouvant sur les cartes des divers jeux français figuraient déjà sur les cartes enluminées de Visconti et de Charles VI (parfois désigné à tort comme Tarot de Gringonneur). Ces jeux de triomphes leur sont antérieurs puisqu’ils datent du milieu du XVe siècle. Les Tarots dits de Marseille leur sont clairement apparentés. Les tarocchi de la province italienne de Lombardie sont considérés aujourd’hui comme étant les prototypes des Tarots plus récents, en tous cas il est indéniable qu’ils partagent une origine commune. Tous les jeux de cartes primitifs européens seraient eux-mêmes issus de ou inspirés par les jeux de cartes orientaux des Mamelouks – on trouve plusieurs références à partir de la fin du XIVe siècle aux jeux de nahib, naïbs, naibis qui sont devenus en espagnol le mot naipes (cartes à jouer). Il faut noter que la structure du Tarot diffère de la structure des jeux de cartes des Mamelouks ou des jeux à enseigne latine : outre l’ajout des vingt-deux atouts, on trouve dans le Tarot quatre honneurs par couleur au lieu de trois, et dix cartes numérales au lieu de neuf dans les jeux de cartes espagnols. Les enseignes reprennent majoritairement les enseignes italiennes à quelques exceptions.

Le motif plus spécifique le plus répandu du Tarot français, dit de Marseille, pourrait trouver son origine à Milan : la planche xylographiée dite Feuille Cary de la collection Cary de l’université Yale datée de 1500 et six cartes d’un tarot milanais du XVIe siècle ou du XVIIe siècle trouvée à l’occasion de recherches au Castello Sforzesco à Milan présentent des images extrêmement similaire au motif dit de Marseille – on note en particulier l’absence de titres sur les cartes. “

L’origine lombarde et la période de première parution du tarot peuvent laisser subodorer que quelque message « hérétique » aurait pu se glisser insidieusement dans le jeu.

Le tarot aurait pu véhiculer un dernier message de l’Eglise cathare en perdition;

Sachant que tous les livres cathares authentiques que possédaient les parfaits étaient systématiquement brûlés avec leurs possesseurs, comment laisser une trace destinée aux croyants futurs?

On avait pu utiliser les contes, comptines et histoires pour enfants dans lesquels se glissaient, à l’instar des paraboles, les images destinées aux « entendeurs ».

Les troubadours avaient pu véhiculer de ville en ville des chansons « à texte ».

On avait pu donner à réciter une prière que les personnes de « bonne foi » se chargeaient de transmettre aux générations futures.

Enfin, on « aurait » pu concevoir un jeu de cartes qui contienne, en filigrane, les principes de la doctrine sans que cela fût trop « voyant ». Comme le jeu est, avec la guerre, ce que l’homme pratique avec le plus d’assiduité et de plaisir, le message aurait à coup sûr été préservé.

Avec cet esprit certes partial, nous allons donc passer en revue quelques cartes de ce jeu si particulier.

Le jeu de tarot comporte des différences énormes avec les autres jeux de cartes d’une part en raison de la présence d’atouts spécifiques, de 3 oudlers très importants ( le 1 d’atout ou « petit », le 21 d’atout et l’Excuse), en raison du fait que l’As soit la plus faible carte du jeu et non supérieur au roi, et enfin en raison de l’existence d’un « cavalier » entre la dame et le valet.

On a donc 78 cartes, 4 couleurs avec dans chaque couleur dix « cartes blanches » (sans valeur) et quatre honneurs, ou têtes, de valeurs différentes : roi 5, dame 4, cavalier 3 et valet 2, 21 atouts (les dix-neuf atouts du 2 au 20 sont aussi des cartes blanches) et enfin l’Excuse.

Chaque oudler vaut 5 points mais, pour le décompte des points, chaque carte de valeur doit être accompagnée d’une carte blanche , le nombre total de points du jeu est de 91. Cette façon de compter est aussi unique au jeu de tarot; Par habitude, sans même y prendre garde, on compte les points en « associant » une carte de valeur à une carte blanche ce qui revient à restituer à la carte blanche sa valeur réelle qui est ½, la valeur de chaque « tête » se trouvant réduite d’autant.

Le but du jeu est de « réaliser son contrat » qui consiste aujourd’hui à faire le maximum de points avec les cartes que l’on a en mains : 36 points si l’on possède les 3 oudlers, 41 points avec 2 oudlers seulement, 51 avec 1 ou 56 sans aucun oudler. Cette manière de jouer est significative de notre mode de pensée moderne et matérialiste. Il n’en a peut-être pas été toujours ainsi. En effet, un autre objectif du jeu est « de mener le petit au bout ». Le 1 d’atout ou « petit » a une valeur forte au même titre que les 2 autres oudlers mais il est très vulnérable car même le 2 d’atout (qui est pourtant une carte blanche sans valeur) lui est supérieur dans le jeu de la carte. Mener le petit au bout, c’est donc déjouer tous les pièges de la partie en cours pour que le 1 d’atout fasse la dernière levée.

Cette dernière manière de jouer a perdu beaucoup de son intérêt de nos jours car elle n’est pas récompensée par un nombre de points suffisant pour être systématiquement recherchée. Dit autrement, à condition d’accorder à cette « bonne fin » sa vraie valeur, cette Quête pourrait, en d’autres circonstances, s’avérer payante.

Pour en terminer avec le jeu lui-même, notons la présence et la force du « cavalier » qui n’existe dans aucun autre jeu de cartes et surtout celle de l’Excuse. C’est la carte la plus difficile à jouer, celle qui peut faire gagner ou perdre la partie. Dans le jeu, on l’appelle l’Excuse, dans le tarot de Marseille on la nomme le Mat ou Fol.

L’excuse, dans le jeu traditionnel est plus qu’un simple joker, c’est une carte à part car elle participe au jeu sans en faire vraiment partie puisqu’elle ne peut jamais remporter aucune levée mais, en revanche, aucune carte n’a de prise sur elle. En fait, quelles que soient les circonstances, elle suit son Bonhomme de chemin!

Dans le tarot dit de Marseille, les atouts et les oudlers soit 22 cartes ou lames sont appelés arcanes majeurs.

Forts de ce que nous avons pu entrevoir de la pratique du jeu lui même, nous allons essayer d’interpréter le sens interne de quelques arcanes particuliers.

Le 1 d’atout, « le petit » est nommé bateleur, considéré comme une sorte d’illusionniste, il n’illusionne en fait que lui même puisque nouveau-né, il a tout à apprendre et à découvrir.

le 21 d’atout est nommé le Monde, pas besoin de commentaire.

Tout comme dans le jeu de cartes « ludique » où le contrat que l’on doit gagner est en réalité l’épreuve de la vie, le « petit » doit grandir et se tirer d’affaire pour « dominer le Monde » ce qui signifie être plus haut que lui et non régner sur lui.

Les 3 oudlers représentent le triangle équilatéral, une trinité dont la base est le 1 plus le 21, alors que le Mat est le sommet : c’est le 0 ou le 22.

De manière plus symbolique, le 21 représente l’univers physique, le 1 est l’homme dans son individualité, le Mat est donc l’idée du Dieu inconnu et étranger.

Le 21 peut signifier aussi le corps corruptible, le 1 est l’âme, à la fois force vitale et pulsion divine, le mat étant l’esprit, élément divin.

Comme on vient de le voir les 21 atouts retracent le « parcours » du petit qui deviendra grand, pourvu que Dieu lui prête Vie.

L’imagerie des 21 arcanes est très élaborée. Sans aller jusqu’à les étudier tous, il convient de s’arrêter sur 3 essentiels : le 7, le 12 et le 13.

Le 7 est le chariot (quelquefois charior (qui charrie OR). La carte représente un homme plutôt vigoureux semblant maîtriser 2 chevaux marqués d’un M et d’un S qui tirent à hue et à dia. Le « petit » , après son apprentissage et son expérience personnelle arrive au tiers de sa vie (21/7). Il est en mesure d’apprécier la dualité du monde Matériel et Spirituel mais son parcours, encore jalonné de beaucoup d’obstacles restera chaotique.

Le 12 est le pendu qui, à bien y regarder n’est pas véritablement pendu, sa posture particulière en témoigne. Après une nouvelle phase d’enseignements et d’expériences, le petit est maintenant à même d’opérer sa « conversion ». le chiffre 12, inverse du 21 montre qu’il voit le monde à l’envers et que désormais, s’il en a la volonté, il peut s’élever sur le chemin spirituel.

Le 13 n’a pas de nom car il « n’ existe pas ». On dit que c’est la Mort, la grande faucheuse, la Parque. A ce moment de la « partie », si le petit a raté sa conversion, c’est effectivement un coup d’arrêt. Mais cet arrêt n’a rien de définitif, ce n’est pas la fin du jeu car après le 13, il reste 8 arcanes qui lui sont supérieurs pour progresser sur le chemin, rappelant ainsi le cheminement des cathares médiévaux qui pensaient pouvoir se « réincarner » 9 fois. (peut être de là vient l’adage que les chats ont 9 vies !) De fait, les arcanes 14 à 21 ont tous une coloration divine et spirituelle.

Le Mat enfin, appelé aussi le Fol, et l’on comprend pourquoi, car il est à la fois dans le jeu et en dehors du jeu tout comme les “parfaits” étaient du monde et en dehors du monde. Il se présente sous l’aspect d’un personnage joyeux qui a l’air de suivre son chemin sans se poser de questions, sans même un regard sur le chien qui lui déchire la cuisse. Ne doit-on pas y voir la représentation du Bonhomme dont la tête est déjà dans les nuages alors que les morsures de la vie , pourtant bien présentes, ne semblent pas l’affecter? A remarquer aussi que, alors que le 13 n’avait pas de nom, le Mat lui, n’a pas de chiffre, il est le zéro et/ou le 22, le Tout et/ou le Rien, l’alpha et/ou l’oméga.

Pas étonnant que le tarot soit considéré comme un art divinatoire. Mais ce n’est en aucun cas un art « devinatoire ». Un tirage « aléatoire », sachant qu’il n’y a pas de hasard, ne peut pas transposer l’avenir. Il peut, en revanche, aider à une meilleure compréhension de soi par rapport au Divin.

Remarquons en dernier lieu, sans en tirer de conclusions, que si la division du Monde par la « Mort » tend vers le Nombre d’Or, la division du Fol par le Charrior donne une valeur approchée de Pi.

Allez! Soyons Fous, et

Bonnes parties à tous